Tétras lyre
- Tetrao tetrix ou "Petit Coq de Bruyère"
Les photos de Roger ont été prises dans les années septante,
lorsque les tétras-lyre étaient bien plus de cent, sur le Haut-Plateau.
C'était hier... Aujourd'hui, on compte moins de 10 mâles...
Tétras lyre. Tetrao tetrix. Famille des tétraonidés. Wallon : coq di brouwîre.
Aussi appelé « petit coq de bruyère ».
Description :
Grand dimorphisme sexuel.
Mâle : plumage noir à reflets bleutés avec une barre alaire, des sous-alaires et
sous-caudales blanches. Caroncules rouges. Queue en forme de lyre lorsqu’elle
est dressée et étalée, durant la parade, mais fermée en vol.
Longueur : de 58 à 65 cm. Aile : de 25 à 29 cm. Poids moyen : de 1100 à 1400gr.
Femelle : brune marbrée de sombre, sous-caudales et sous-alaires blanches, fine
barre alaire blanche visible en vol uniquement.
Longueur : 46cm. Aile : de 22 à 25 cm. Poids moyen : de 800 à 950gr.
Nourriture :
Principalement phytophage, le Tétras lyre consomme énormément
d’éricacées, principalement les pousses et fruits de la myrtille commune, mais
aussi la callune, l’airelle, l’andromède ou la canneberge. Au printemps, les
inflorescences de la linaigrette vaginée rentrent pour une bonne part dans son
alimentation (RENARD 1988a). En hiver, lorsque la couche de neige couvre les
arbustes, les chatons de bouleaux sont un apport nutritionnel salvateur. Ce
régime de base est complété par des pousses d’épicéa ou de saule à oreillette,
d’épis et graines de laîches et des insectes, surtout les fourmis et chenilles
d’écaille-martre.
Territorialité et reproduction :
Sociables en dehors de la périodes de reproduction, les Tétras lyre vivent en
groupes, les coqs souvent à part des poules.
A la fin de l’hiver, début du printemps, la fagne va s’animer ; chuintements et
roucoulements vont résonner dès avant l’aube. Le spectacle commence…
Le jour n’est pas levé. Les coqs rejoignent un à un l’arène de parade à laquelle
ils restent fidèles d’année en année. Sur cette aire à végétation rase, chaque
mâle va se cantonner sur un petit territoire aux limites bien définies. La fin
de la nuit les verra, superbes, queue déployée en éventail, ailes pendantes,
coup gonflé, aller et venir, tourner, sauter sans cesser de roucouler ou
chuinter.
Le but : montrer les stimuli sexuels que sont les taches blanches
du plumages ou celles, rouges, des caroncules afin de conserver sa place de «
balz » face aux concurrents et de séduire une femelle.
Celle-ci, après une période d’observation en périphérie, traversera l’arène,
courtisée mais sans être agressée, et choisira celui avec lequel elle accepte de
s’accoupler, généralement un « ancien », coq de « haut rang » expérimenté, dont
le territoire se trouve au centre de l’aire de parade.
Peu à peu, parades et chants vont devenir irréguliers, les coqs se feront de
plus en plus discrets, abandonnant aux poules le soin de s’occuper de leur
descendance.
Le nid est une petite cuvette grattée dans le sol, sous les éricacées, garnie
d’herbes sèches, de brindilles et de quelques plumes. Là, la poule déposera, en
général, 6 à 8 œufs, ocres ponctués de brun, qu’elle couvera près de 4 semaines.
Les poussins sont capables, à deux jours, de picorer des insectes sur les
plantes. Leur nourriture, durant les deux premières semaines, est d’ailleurs
principalement composée d’insectes, notamment des œufs de fourmis. De fortes
pluies, durant ces premières semaines, provoquent une grande mortalité chez les
jeunes. A 10 jours, ils peuvent voler, se perchent à 3 semaines et sont
indépendant à 4 semaines. Cependant, ils resteront jusqu’à l’automne avec leur
mère qui, comme tous les gallinacés, veille soigneusement sur sa progéniture.
Migration :
Le Tétras lyre est très sédentaire et seules, quelquefois, des femelles peuvent
s’éloigner à quelques kilomètres.
Dans les Hautes fagnes :
Emblème du Parc Naturel Hautes Fagnes – Eifel, la Réserve Naturelle est
son dernier refuge en Belgique. Plusieurs raisons à cela :
•L’habitat favorable au Tétras est assez complexe. Le centre est l’arène, aire à
sol relativement uniforme, à végétation rase, sans zone marécageuse et
bénéficiant d’un dégagement de façon à voir et être vus à grande distance (à
400m des massifs de résineux ou feuillus). Elle doit aussi impérativement être à
l’abri de tout dérangement. Il faut des zones de refuge à proximité : buissons
ou plages d’éricacées. Elle doit se trouver bien en vue des sites de nourrissage
et de nidification des poules (massifs importants d’éricacées). Enfin, il faut
aussi tenir compte des sites d’hivernage (bois clairs de bouleaux, lieux exposés
au sud). Tout cela, il le trouve sur le Haut Plateau.
•Extrêmement sensible au dérangement, le Tétras a besoin de la quiétude que lui
offrent les grandes étendues fagnardes et bénéficie, au sein de la Réserve
Naturelle, de la réglementation de circulation en zones C.
•Lors d’hivers rudes, une bonne couche de neige, comme seul le Haut Plateau en
offre encore parfois, l’aide à se protéger du froid. En effet, le Tétras, perché
sur une branche, se laisse tomber dans la neige molle et creuse, avec ses
pattes, une galerie horizontale, 5 ou 10 cm sous la surface. Ensuite, il tourne
sur lui-même, créant ainsi un iglou, le protégeant du vent et du froid et
réduisant la perte de précieuses calories.
Statut et évolution :
Si le Tétras semble se maintenir dans les Alpes suisses et autrichiennes
ainsi qu’en Ecosse, l’espèce est en déclin, voire en nette régression un peu
partout:
•La première cause de déclin des Tétras lyre est la disparition de leur habitat
ou le fractionnement de celui-ci.
•Le dérangement provoqué par l’homme est la deuxième cause de déclin, avec deux
périodes cruciales, l’hiver et l’époque de la reproduction.
•La prédation : renards, corneilles et autres mustélidés ou rapaces peuvent
faire de gros dégâts. Sur une population bien établie, la prédation ne devrait
cependant pas mettre l’espèce en danger.
•Les facteurs climatiques : de la neige en hiver, des mois de juin et juillet
secs, voilà les conditions idéales pour le Tétras lyre. Ces conditions sont
cependant suffisamment rares pour devenir un problème crucial. Pourtant, les
scientifiques s’accordent à dire que cela ne peut être un facteur limitant à lui
seul. Ce n’est que l’accumulation qui tend à rendre l’impact des conditions
climatiques important. Mais si on a déjà vu des populations croître après un
printemps pluvieux (en UNE occasion dans la RNHF), les scientifiques ont
néanmoins établi une corrélation directe entre réussite des nichées et
conditions climatiques.
•La concurrence des cervidés qui sont accusés de piétiner la nourriture végétale
des Tétras. Il faut ajouter les sangliers pour la compétition et la prédation.
•La consanguinité peut, on le sait, amener une dégénérescence de certaines
espèces (vitalité et fécondité). Aucun signe n’apparaît cependant au sein de la
petite population de la RNHF et l’endogamie peut avoir aussi un impact positif :
des groupes consanguins, à fort taux d’homozygotie, peuvent constituer de
véritables écotypes, bien adaptés à leur milieu.
En Belgique, bien que toujours repris dans les oiseaux gibier, le Tétras lyre
bénéficie de la protection de l’arrêté du 14 juillet 1994, art. 2 et annexe 11
ainsi que de la directive européenne CEE/79/409 – Annexe 1.
La population campinoise a totalement disparu et il ne reste que les 23 coqs
recensés en 2002 dans la Réserve Naturelle des Hautes Fagnes, ce qui signifie,
sur base d’un sexe-ratio de 1 pour 1, moins de 50 Tétras lyre.
Et pourtant, en 1971, il y avait 200 coqs sur le Haut Plateau pour 80 en 1967.
Cette brusque augmentation suivait deux décisions importantes : la fermeture en
1967 de la chasse à cet oiseau gibier et la destruction des renards, en 1968,
par gazage des terriers, afin de lutter contre la rage.
Malheureusement, en mars 1972, on note de fortes mortalités chez les coqs,
probablement dues à une compétition exacerbée sur les arènes surpeuplées et qui
laisse les mâles épuisés. L’effondrement de la population va se poursuivre
jusqu’en 1976
Ensuite, jusqu’en 1995, la population se maintiendra entre 30 et 60 mâles avec
les fluctuations caractéristiques des tétraonidés. Depuis, elle ne dépasse plus
la trentaine d’individus.
Une étude approfondie du Tétras lyre en Hautes Fagnes a permis de développer une
ligne de conduite et de décider de mesures de gestion : ouverture du paysage,
maintien des zones refuges pour le nourrissage et la nidification, entretien des
aires de parade et respect de quiétude lors de la reproduction. Espérons que ces
actions permettront aux Tétras lyre du Haut Plateau d’atteindre une population
viable de 50 coqs.
Texte : Annick Pironet - Photos: Roger Herman
Extrait de "Hautes Fagnes"
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