Historique
du saumon en Belgique,
un poisson bien
de chez nous
Jusqu’au début du XIXème siècle, le saumon atlantique se
rencontrait dans la plus grande partie du bassin mosan. Il remontait la Meuse
jusqu’à Monthermé et Mézières en France et allait se reproduire dans la Chier et
la Semois. Des noms de rivières (Salm) ou de villes (Salm-Château, Vielsam) en
Belgique rappellent que le saumon était bien présent dans nos cours d’eau.
Des observations réalisées entre 1880 et 1920 ont montré que
les remontées des saumons en Meuse se déroulaient presque toute l’année. Ainsi,
jusqu’aux années 1930, la pêche commerciale au filet et la pêche à la ligne
étaient couramment pratiquées en aval des barrages situés sur la Meuse (Visé) et
l’Ourthe (Angleur et Tilff).
L’abondance des saumons à cette époque était vraiment légendaire. Rien ne
laissait donc croire que le saumon allait subir un triste sort quelques années
plus tard…
Régression et
extinction du saumon
La régression du saumon mosan a commencé vers 1840 avec le
développement industriel de nos régions et la canalisation des voies d’eau qui y
était associée (Meuse, Ourthe, Sambre). Ainsi, la construction de nombreux
barrages sur la Meuse et ses affluents a provoqué le ralentissement et le
blocage des migrations des saumons adultes en provenance de la Mer du Nord.
De 1880 à 1910, les pouvoirs publics belges concernés entreprirent diverses
actions pour tenter d’enrayer la régression du saumon dans nos cours d’eau :
amélioration de la loi sur la pêche, constructions sur les barrages d’échelles à
saumons, repeuplement en jeunes saumons élevés en pisciculture, coopération
internationale. Tous ces efforts n’eurent toutefois guère d’effets positifs… De
1910 à 1925, la pêche professionnelle au filet s’intensifie en Belgique et
surtout en Hollande. Cette situation provoqua une surexploitation avec comme
conséquence inévitable une diminution importante des remontées de saumons en
Meuse belge.
Le coup de grâce au saumon mosan est donné par la construction, de 1925 à 1930,
de grands barrages à vannes sur la Meuse en Hollandes (7 barrages) et en
Belgique en aval de Liège (barrage de Monsin). Ces ouvrages bloquèrent encore
plus radicalement la remontée des derniers saumons mosans, malgré la présence
d’échelles à poissons. L’extinction de l’espèce survient finalement vers 1935,
peu de temps après l’édification du dernier barrage hollandais à Lith.
Projet Meuse Saumon
2000
Au cours d’une pêche à l’électricité effectuée le 10 juin 1983 dans la Berwinne
(affluent de la Meuse) près de Visé, quatre truites de mer sont capturées par le
Laboratoire de Démographie des Poissons et d’Hydroécologie de l’Université de
Liège. Au cours des années suivantes, une trentaine de spécimens sont capturés
dans la Meuse et la plupart de ses affluents.
Ce retour de truites de mer en Meuse belge déclencha l’idée de réintroduire le
saumon atlantique dans le bassin mosan. C’est ainsi qu’en 1987, est lancé
officiellement le projet Meuse Saumon 2000, mené conjointement par le Ministère
de la Région wallonne et les Universités de Liège et Namur.
Cet ambitieux projet se fixe comme objectif de rétablir dans le bassin de la
Meuse le cycle de vie complet du saumon atlantique. Ainsi, dès le milieu des
années 1980, plusieurs actions concrètes sont entreprises en faveur du saumon :
Réintroduction de jeunes saumons d’origine étrangère
Étant donné que la souche du saumon de la Meuse est irrémédiablement disparue,
il a fallu, dans un premier temps, se procurer des individus d’origine
étrangère. C’est ainsi que des œufs embryonnés de saumons originaires de
rivières d’Ecosse, d’Irlande et de France ont été importés et mis en élevage à
la pisciculture du Service de la Pêche à Emptinne près de Ciney.
Après quelques mois d’élevage, les jeunes saumons d’élevage sont relâchés dans
plusieurs rivières belges. C’est ainsi que, depuis 1988, près de 1,5 million de
jeunes saumons (stades tacon et pré-smolt) ont été réintroduits dans le bassin
de la Meuse en Belgique.
Étude écologique des phases de vie des populations de saumons réintroduits
Afin de comparer l’efficacité des différentes souches géographiques de
jeunes saumons réintroduits, plusieurs recensements par pêche à l’électricité
sont organisés annuellement depuis 1988. Ces captures permettent ainsi de mieux
étudier la biologie des saumons réintroduits (croissance, mortalité, densité de
populations,…) en vue d’améliorer l’efficacité des repeuplements.
Rétablissement de la migration normale des saumons
La réintroduction durable du saumon atlantique dans nos cours d’eau nécessite
impérativement le rétablissement du libre passage des poissons au niveau de
toute barrière physique susceptible de bloquer ou de freiner la remontée des
géniteurs vers les frayères. C’est ainsi qu’une série de barrages présents sur
la Meuse et sur divers de ses affluents ont été équipés d’échelles à poissons
modernes afin d’améliorer la libre circulation des poissons migrateurs.
Organisation de coopérations internationales
Par le caractère international de la Meuse et du saumon lui-même, plusieurs
actions internationales (Pays bas, France, Allemagne) ont vu le jour en faveur
du saumon.
Retour du saumon et
perspectives
Quinze ans après le lancement du projet Meuse Saumon 2000, un premier saumon
(femelle de 72cm – 3,1kg) de la nouvelle souche Meuse reconstituée est enfin
capturé, le 31 octobre 2002, dans la nouvelle échelle à poisson de Lixhe (près
de Visé) en Meuse belge.
Depuis ce jour historique, quinze autres saumons adultes ont été capturés dans
la même échelle à poissons. Deux saumons mâles ont aussi été attrapés, fin
janvier 2003, dans une nouvelle échelle à poisson située sur la Basse Berwinne
(quelques centaines de mètres en aval du barrage de Lixhe). Septante ans après
la disparition du saumon atlantique en Belgique, ces 18 captures marquent le
retour des premiers saumons mosans du XXIème siècle.
Ce succès démontre la faisabilité technique du projet Meuse Saumon 2000 et
marque le départ d’une nouvelle phase d’actions. Ainsi, huit (5 mâles et 3
femelles) des saumons capturés en 2002 près de Visé furent pris en charge par le
Service de la Pêche de la Région wallonne qui les transféra dans une
pisciculture. Deux femelles furent reproduites artificiellement par croisement
avec trois mâles afin d’obtenir une première génération de jeunes de la nouvelle
souche Meuse reconstituée. Depuis fin 2005, ces jeunes saumons sont élevés en
pisciculture pour obtenir des adultes d’eau douce matures. Ils seront ensuite
reproduits artificiellement en vue de produire de grande quantité d’alevins
Meuse destinés aux repeuplements.
Notons qu’à l’heure actuelle, aucune reproduction naturelle des nouveaux saumons
mosans n’a encore été observée. Cependant, plusieurs frayères de grands
salmonidés (probablement des truites de mer) sont régulièrement découvertes
depuis 2000 dans la Basse Berwinne, où le saumon se reproduisait encore dans les
années 1920…
Ces actions ne doivent donc pas s’arrêter là, ce projet doit se poursuivre et
s’amplifier afin de rétablir durablement la nouvelle souche mosane du saumon …et
pourquoi pas un jour d’autres grands migrateurs comme les aloses et les
lamproies.
(Source: www.saumon-meuse.be/saumon)
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