Le jambon
d'Ardenne, son histoire
Écrit par :Patrick Germain
Roi des salaisons ardennaises, dont la réputation remonte à la plus haute
antiquité, le jambon d'Ardenne prend des majuscules depuis 1996.
Gros plan sur un produit de qualité, hautement révélateur de la vocation
européenne de l'Ardenne.
Rome n'a pas attendu d'envahir nos contrées pour découvrir le savoir-faire
ardennais en matière de salaisons : bien avant qu'un individu dont je tairai le
nom se mêle d'ensanglanter nos taillis, celles-ci étaient vivement appréciées
dans la ville aux sept collines.
Une réputation qui n'a pas faibli, et dont le jambon constitue le fer de lance.
À tel point qu'il ne doit pas être loin de constituer le souvenir le plus prisé
que nos visiteurs emportent avec eux, lorsqu'ils quittent à regret notre rugueux
terroir. Ce qui est quand même autre chose qu'un Manneken Pis en plastique, vous
en conviendrez ;o)
C'est qu'il est bon, notre jambon ! Lui-même, un point c'est tout ; original,
avec ses caractéristiques propres, sa personnalité. Le terroir et les conditions
traditionnelles dans lesquelles il est produit le rendent unique, et le reste
est affaire de goûts.
De goûts, et de savoir-faire. Car s'il existe bien un cahier des charges, il
n'en reste pas moins vrai que la seule bonne méthode pour découvrir “ votre „
jambon consistera à en savourer un maximum, chez un maximum de producteurs :
tous préservent jalousement leur coup de patte, leurs petits secrets de
fabrication. Bon appétit !
PATIENCE ET SAVOIR-FAIRE
Quoi qu'il en soit, sachez qu'il existe trois formes de découpe en matière
de jambon d'Ardenne : le jambon d'Ardenne à l'os, le coeur d'Ardenne et la noix
d'Ardenne.
Comme son nom l'indique, le premier est préparé entier, avec son os ; de part et
d'autre de celui-ci se trouvent le coeur (plus grosse partie) et la noix (plus
petite, et généralement plus maigre).
Les procédés de fabrication sont identiques, différant simplement par la durée :
le jambon est tout d'abord salé à sec, par massages successifs d'un mélange de
gros sel et d'épices dont la base est constituée de poivre, baies de genévrier,
feuilles de laurier, sucre etc. chaque artisan disposant de ses petits secrets.
Ces opérations, entrecoupées de périodes de repos, durent quatre semaines
environ (deux à trois pour le coeur et la noix).
Il passe ensuite en saumure (température* 15 à 18°) durant deux semaines (une
semaine [ibid.]), avant de reposer en frigo durant trois semaines environ.
Au bout de cette période, le jambon est lavé à l'eau claire et mis à tremper
durant un jour ou deux (suivant le poids). En fonction de sa nature, il peut
alors être mis en forme, ou formé manuellement, avant d'être salé et de prendre
la direction du séchoir dans lequel il va séjourner deux à quatre jours avant
d'être ou non fumé, puis à nouveau séché durant plusieurs semaines.
Le fumage est réalisé à l'aide de bois de feuillus exclusivement (hêtre, chêne,
genévrier...) et certains fumoirs ardennais sont vieux de plusieurs centaines
d'années. De nombreuses maisons particulières, anciennes, en possèdent toujours
un.
Quoi qu'il en soit, un authentique jambon d'Ardenne ne peut aboutir dans votre
assiette avant une durée minimale devant être de quatre mois au moins pour le
jambon à l'os désossé ou non, de huit semaines au moins pour le jambon dit “
cœur „ et de trois semaines au moins pour la noix de jambon. Cette durée est la
même pour le jambon séché.
TROP PEU D'EUROPE
La norme est d'autant plus vérifiable s'il s'agit d'un produit labellisé.
Car label il y a. Et c'est ici que l'Ardenne se trouve – une fois n'est pas
coutume – à l'étroit.
Au niveau européen, l'usage de la dénomination “ Jambon d'Ardenne „ est en effet
régi par une Indication Géographique Protégée** (IGP), accordée aux produits
pour lesquels au moins l'un des trois stades (production, transformation ou
élaboration) est lié à une zone géographique précise.
Cette reconnaissance ayant été sollicitée, puis obtenue (en 1996), par une
association de droit belge - l'Association pour l'Usage et la Défense de
l'Appellation Jambon d'Ardenne (AUDA) – agissant par définition dans le cadre de
la législation en vigueur en Belgique depuis 1974***, il ne suffit donc pas à un
jambon d'avoir été produit en Ardenne pour être autorisé à porter l'appellation
Jambon d'Ardenne.
Ainsi, en Ardenne française, l'IGP sera "Jambon des Ardennes", et au Grand-duché
"Jambon Grand-ducal de la Marque Nationale". Trop peu d'Europe donc, pour une
même exigence de qualité dans le cadre d'une région au singulier dont les
traités successifs ont galvaudé l'identité.
L'Ardenne est une et indivisible, bon sang !
N'hésitez donc pas, lorsque d'aventure vos pérégrinations ardennaises vous font
sauter l'une ou l'autre frontière, à savourer un – bon – jambon ardennais
préparé avec soin dans des conditions au sujet desquelles vous savez désormais
tout ou presque.
P@3ck
Note :
*mesure de la teneur en sel par litre d'eau
**Quatre produits bénéficient de cette protection en Belgique : Fromage de
Herve, Beurre d'Ardenne, Jambon d'Ardenne et Pâté Gaumais.
Faute d'un cheptel porcin suffisant en Ardenne, et même si nombre de – petits –
producteurs font appel à des filières locales, l'association n'a pu demander
l'Appellation d'origine protégée.
***
Arrêté royal reconnaissant l'appellation d'origine « Jambon d'Ardenne » et
fixant les conditions que doit réunir ce produit pour être fabriqué, effort en
vente ou vendu sous cette appellation (4 février 1974)
http://www.wipo.int/clea/docs_new/fr/be/be065fr.html
Arrêté royal modifiant l'arrêté royal du 4 février 1974 reconnaissant
l'appellation d'origine "Jambon d'Ardenne" et fixant les conditions que doit
réunir ce produit pour être fabriqué, offert en vente ou vendu sous cette
appellation (7 avril 1976)
http://www.wipo.int/clea/docs_new/fr/be/be066fr.html
****Ce qu'en dit l'Europe :
“ L’utilisation de dénominations homonymes (produits portant le même nom) n’est
pas totalement exclue par les règles de la politique de qualité de l’UE. La
question est de savoir si les consommateurs peuvent être abusés ou non. Dans les
cas où le même nom est utilisé pour différents produits, il convient
d’introduire une distinction, compte tenu de la nécessité de garantir un
traitement équitable des producteurs et de ne pas induire le consommateur en
erreur. Ainsi par exemple, le Jambon sec et noix de jambon sec des Ardennes
(France) et le Jambon d’Ardenne (Belgique), tous deux jambons traditionnels de
haute qualité, même s’ils utilisent des termes identiques, sont suffisamment
différenciés pour que le consommateur agisse en connaissance de cause. „
http://ec.europa.eu/agriculture/publi/fact/quality/2007_fr.pdf
Source :
•Merci à l'AUDA et à M Albert, son président (site : http://www.jambondardenne.eu
– en construction) et à José Michel (site : http://www.horecalienne.be)
•Voir également : Porcs Qualité Ardenne Au sujet de la production porcine sous
signe de qualité en Région Wallonne.
(Merci à Médiardenne)
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